Avec Makers’ Stories, Habile dresse le portrait de personnalités qui se donnent à fond dans leur métier. De leurs inspirations à leur créations, ils nous ouvrent les portes de leur imagination et nous partagent leur quotidien.
Aujourd’hui, HABILE rencontre JonOne, célèbre peintre et graffeur new-yorkais tout droit débarqué de Harlem et maintenant installé en France, à Roubaix. Son parcours impressionnant en fait un des meilleurs artistes de son genre. Il a notamment fondé le collectif de grapheurs 156 All Starz, et a pu côtoyer les plus grands : Bando, Rockin’ Squat, A-One, Sharp… Des dieux de la bombe auprès de qui il apprend et challenge son art. Très vite, son travail est remarqué, et il est exposé dans les galeries les plus prestigieuses, de Berlin à Paris en passant par New York et Tokyo.
Entre spontanéité et amour du travail bien fait, son art vibrant sait laisser sa trace.
Ça tombe bien : c’est son ambition.
On pourrait d’ailleurs penser que vouloir seulement laisser derrière lui “une joie de vivre” n’est pas forcément un projet d’artiste particulièrement ambitieux.
Et pourtant pour JonOne, cette joie de vivre est une denrée particulièrement rare. Surtout dans le monde actuel, où tout va vite et où on ne prend plus le temps de s’émerveiller.
Alors cette joie, il la fait jaillir en éclats de couleurs dans ses oeuvres. Rouge, jaune, noir, bleu, violet, vert… Dans son atelier maculé de peinture du sol au plafond, il cherche à créer des oeuvres comme des diamants : brutes, mais qui quand on les regarde, projettent des centaines de couleurs et font pétiller les yeux. Un peu comme les siens, quand il parle de son art.
Mais attention : pas de folie des grandeurs chez JonOne. Et pourtant il pourrait se vanter, quand on regarde les montants mirobolants atteints par ses oeuvres aux ventes aux enchères, ou son parcours jalonné de collaborations notoires avec des grandes marques : Guerlain, Perrier, Hennessy, Lacoste, Agnès B…
En toute modestie, il estime plutôt qu’il doit son succès au fait d’avoir été “au bon endroit au bon moment”, mais aussi aux personnes qui l’ont entouré et poussé à donner le meilleur de lui-même. À force de côtoyer des artistes, il considère avoir peu à peu découvert une nouvelle manière de voir le monde, et s’est tout de suite donné pour mission de passer à l’action plutôt que de rester dans la contemplation.
Eh oui : loin des théories perchées sur la valeur ou les dons tombés du ciel d’un artiste, JonOne est terre-à-terre : “Si tu veux être danseur, tu danses. Si tu veux être artiste, tu peins. C’est aussi simple que ça. Tu peins et tu montres ce que tu sais faire.”
Pour lui, l’artiste se façonne et devient vraiment qui il est en faisant. L’image des artistes qui enchaînent les cigarettes en terrasse en refaisant le monde avec des grands mots, et créent parfois des chefs d’oeuvres quand ils rentrent la nuit bourrés chez eux ? Elle est loin de lui.
La seule manière d’être un vrai artiste pour JonOne, c’est en vivant dans l’action, et en prenant les choses au sérieux. Enchaîner les croquis tout le temps, travailler tous les jours, se planter parfois… Mais peindre.
Peindre, peindre, peindre, car ça reste la meilleure manière d’être peintre.
Mais aussi et surtout de durer dans le temps : bien sûr qu’il y a des étoiles filantes qui brillent pendant un an ou deux ans. Or pour JonOne, l’essentiel n’est pas d’avoir un succès éphémère, mais plutôt une carrière qui dure et qui pousse à regarder toujours plus haut et toujours plus loin. Alors à la chance, il préfère le travail acharné.
Surtout qu’en travaillant sans cesse, on peut aussi mieux se réinventer. C’est en explorant son propre champ des possibles qu’on découvre des nouvelles techniques et des nouvelles possibilités qu’on n’avait même pas envisagées. C’est pour cette raison que JonOne ne se fixe aucune limite en termes de supports ou de style. Aquarelle, gouache, noir et blanc, épaisseurs, finesse, graphs, sculpture… Il ouvre toutes les portes pour trouver la bonne, et ne se refuse rien.
Multi-générationnel malgré un style fortement inspiré par les années 80 dans les couleurs et l’énergie, JonOne a le regard tourné vers le futur, ou au moins profondément ancré dans le présent. D’où cette nécessité de faire évoluer son style constamment, pour mieux s’adapter à l’époque tout en gardant sa patte.
Et sa patte, si on devait la résumer en un mot ? Vibrante. Vibrante de couleurs, d’audace, d’explosions. Chez JonOne, même les couleurs oubliées trouvent leur place. En ce moment, par exemple, il s’est pris de passion pour le bleu et le gris. Des teintes étonnamment neutres en comparaison avec son univers coloré, qu’il retrouve chaque jour dans le ciel du Nord de la France où il a installé son nouvel atelier. Pourquoi ces couleurs ? Elles l’inspirent car elles permettent de mieux voir et mettre en valeur la palette vive qui prédomine dans ses oeuvres. C’est sûr, le Sud ressemble plus aux tons chauds de ses tableaux. Mais rien de tel qu’un contraste saisissant pour mieux sublimer l’inattendu.
Le visage maculé de peinture fraîche, il nous explique aussi que chacune de ses toiles cache une belle histoire de patience, un peu comme pour le vin. Les toiles “coup de génie” faites sur un coup de tête ? Pas vraiment : entre chaque couche d’une toile, il peut y avoir 3 à 6 mois de séchage… Ce qui, plutôt que de générer une frustration, réjouit JonOne : ça lui donne l’impression d’avoir le pouvoir d’arrêter le temps… Et le temps, on en a cruellement besoin dans cette société de gens pressés où on veut tout avoir tout de suite.
D’où l’importance primordiale, pour lui, de réussir à capter l’attention.
“Si je peux aider les gens à leur faire ressentir 10 minutes de joie de vivre dans leur journée avec mes toiles… Et bien c’est super.” confie-t-il en souriant.
Une belle ambition pour cet artiste à la modestie talentueuse qui vit dans l’espoir de laisser derrière lui “une grande trace multicolore”.